Rejoignez eToro qui propose le crypto-trading depuis 2013. Votre capital est à risque*
“Le prix du Brent devrait continuer d’évoluer entre 105 et 110 dollars”

“Le prix du Brent devrait continuer d’évoluer entre 105 et 110 dollars”




Sujets à un regain de volatilité, les marchés du pétrole et de l’or sont-ils voués à progresser encore ? Eric Buffandeau, Groupe BPCE, nous livre son analyse et ses anticipations.

Quelles évolutions suivent les prix du pétrole sur les trois dernières années ?

En dépit d’une certaine volatilité, le prix du Brent de la Mer du Nord révèle en moyenne annuelle une évolution stable depuis trois ans. Cependant, il reste toujours relativement élevé : 109 dollars ($) le baril en 2013, proche des records de 2012 et de 2011, à savoir 112 $ mais encore loin du pic historique à plus de 145 $ de juillet 2008. En 2012, les prix ont suivi un mouvement erratique, baissant jusqu’à 90 $ le baril fin juillet. En 2013 au contraire, à l’exception de tensions en janvier, venant de la prise d’otages sur un site pétrolier algérien puis du fait des risques de conflit en Syrie, les prix ont évolué dans une fourchette plus étroite de 100 à 115 $.

Depuis le début de l’année 2014, le prix du Brent oscille entre 105 et 110 $, le niveau actuel.

Durant la période 2010-2011, les craintes étaient fortes de voir une reprise économique mondiale freinée par des contraintes en termes de ressources rares. Aujourd’hui, la forte augmentation de l’offre de pétrole, liée essentiellement à la révolution énergétique qui se joue aux Etats-Unis autour du pétrole de schiste, atténue ces inquiétudes. C’est ce que révèlent notamment les anticipations de baisse des prix : les cours à terme sont inférieurs aux cours au comptant. Les cours américains du WTI sont également inférieurs – 101-102 $ – à ceux des cours européens du Brent – 110 $ – sauf sur la période très récente. Des tensions sur les prix sont effectivement apparues ces dernières semaines du fait des intempéries sur le territoire américain puis de la situation politique en Ukraine, mais elles restent mesurées puisqu’on ne dépasse pas les 110 $ le baril de Brent.
 

Comment se fixent les prix du pétrole ?

Leur anticipation est toujours incertaine de par la volatilité intrinsèque de cet actif, son caractère stratégique (il existe à la fois un marché physique et un marché spéculatif, 35 fois plus important) ou encore l’importance mondiale de ses acteurs. Ainsi, les cours du pétrole résultent non seulement de l’offre et de la demande physique, mais des mouvements spéculatifs, des tensions géopolitiques, du rôle de l’OPEP dans la régulation des prix, de la réaction de l’offre au prix ainsi que du rôle du dollar dans l’espérance de gain des pays exportateurs. Ces derniers exportant en dollars, un affaiblissement de la devise américaine les conduit à rechercher une augmentation du prix du pétrole pour maintenir leurs bénéfices.

En temps normal, l’ajustement des prix se fait par rapport à la demande plus que par rapport à l’offre, qui reste inélastique à court terme du fait des quotas de production de l’OPEP. Mais à plus long terme, l’offre est en mesure de s’adapter car la hausse des prix permet un accroissement des investissements et la recherche de nouvelles capacités du côté des pays producteurs, tandis qu’apparaissent des nouveaux comportements d’économies d’énergie et de substitution qui font baisser la demande des pays consommateurs.

Les prix du pétrole dépendent également de la croissance économique mondiale. Or on observe que le seuil de déclenchement de la hausse des prix des matières premières en fonction de la croissance se situe à un niveau de plus en plus élevé. Auparavant, il “suffisait” d’une croissance supérieure à 2,5 %. Aujourd’hui, 3 %, voire plus, sont nécessaires, du fait, rappelons-le, de l’augmentation de l’offre, des comportements d’économies d’énergie ou de substitution vers d’autres types d’énergie…

Comment analysez-vous l’offre et la demande actuelles ?

La demande progresse de 1 % par an depuis 10 ans. Elle dépend directement de l’activité mondiale et comme nous venons de le dire, un retour graduel à une croissance supérieure à 3 % ne suffit plus à soutenir la hausse des prix du pétrole. Il existe cependant deux types de demande : celle des pays avancés et celle des pays émergents. La première est structurellement moins dynamique que la seconde du fait de la saturation du parc automobile, de l’amélioration de l’efficacité énergétique et des énergies de substitution (biocarburants et gaz naturel). La seconde émane de pays en situation de rattrapage économique. En 2012, la consommation d’énergie par individu a atteint en Chine 30 % du chiffre américain et 64 % du chiffre européen, et en Inde 28 % du chiffre chinois. De plus, ces pays tendent à constituer des stocks stratégiques de pétrole. Ces variables contribuent à instaurer un prix plancher pour les cours du pétrole.

L’offre quant à elle s’établit à 92 millions de barils par jour, dont un tiers est issu des pays membres de l’OPEP. Elle progresse, comme la demande, de 1 % par an depuis 1973, en dehors d’accélérations temporaires. Deux facteurs influencent actuellement la production de pétrole :

– le choc d’offre issu de l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste aux Etats-Unis, qui leur permet de réduire les importations et libère ainsi des capacités en Afrique et au Moyen-Orient. L’Agence internationale de l’énergie – AIE – estime que la production américaine permettrait de satisfaire la hausse de la demande de pétrole des cinq prochaines années et dépasserait la production de l’Arabie Saoudite comme celle de la Russie.

– la régulation des prix par le cartel de l’OPEP, même en l’absence de quotas de production par pays. L’Arabie Saoudite joue le rôle de producteur d’appoint : elle peut diminuer sa production pour soutenir les prix en cas de besoin (retour sur le marché de la production iranienne, libyenne, etc.). Or l’équilibre budgétaire des pays producteurs de pétrole évolue sous l’effet de dépenses sociales en augmentation depuis le Printemps arabe. Ils cherchent donc à maintenir un niveau de prix suffisant pour assurer cet équilibre. Pour l’Arabie Saoudite, un prix supérieur à 90 $ est nécessaire, mais pour l’Iran notamment, le prix serait plus élevé. A ce propos se tiendront en juin de nouvelles négociations qui verront les pays de l’OPEP chercher à maintenir les prix du pétrole sans nuire à la consommation mondiale ni aux investissements des compagnies pétrolières sur leur territoire.

Malgré cette surabondance de l’offre, les prix du pétrole semblent résister.

C’est parce que la demande demeure solide du côté des pays émergents et que la reprise des pays développés, certes encore modérée et fragile, s’est manifestée à partir du second semestre 2013, d’abord aux Etats-Unis. L’AIE prévoit que seront consommés en 2014 92,6 millions de barils par jour, soit 1,4 million de plus qu’en 2013. Cette prévision s’appuie sur la persistance de tensions sur l’offre, sur les craintes géopolitiques récentes et sur le besoin de reconstituer des stocks au plus bas depuis 6 ans. Sans oublier que la croissance mondiale dépassera probablement les 3,2 %. En résumé, le prix du baril de Brent devrait continuer d’évoluer dans une fourchette de 105 à 110 $ au cours des prochains mois.

Comment les cours de l’or réagissent-ils aux tensions géopolitiques autour de l’Ukraine ?

Dans la mesure où l’or constitue un actif non productif, il joue un rôle de valeur refuge, une nouvelle fois confirmé par son comportement récent. C’est ainsi qu’après avoir atteint un prix de 1 200 $ l’once fin 2013 (à l’issue d’une baisse de 28 % sur l’année, sans précédent depuis 1981), il a vu son prix grimper jusqu’à 1 330 $ ces derniers jours. Mais au-delà de ces tensions conjoncturelles, la consommation de la Chine et de l’Inde semblent des variantes importantes. La Chine est devenue en 2013 le premier pays acheteur d’or, avec 1176 tonnes importées (sans compter les quantités, inconnues, importées par la Banque de Chine), d’après la China gold association. Je pense que le cours de l’once demeurera en 2014 proche de son évolution récente, entre 1 200 et  1 300 $.

A plus long terme, face à l’endettement croissant des pays, notamment avancés, l’or peut-il reprendre de la valeur ?

Sans véritable déstabilisation majeure de l’économie – inflation ou déflation – l’or ne peut pas voir son cours fortement progresser. De plus, les opérateurs semblent désormais accorder plus d’attention à la santé économique de la Chine (risque de hard-landing, en raison du dilemme entre croissance économique et atténuation des tensions financières liées à la finance de l’ombre) et du monde émergent (impact du tapering américain) qu’à celle des pays avancés, face à la crainte d’une contagion ultime de la crise financière aux pays en voie de développement.

Propos recueillis par Nadège Bénard