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La Chine est-elle en train de se lancer dans une « guerre des changes » ?

La Chine est-elle en train de se lancer dans une « guerre des changes » ?




Eric Buffandeau, Directeur adjoint Direction Veille, Etudes & prospectives du Groupe BPCE nous livre sa vision du marché des changes (forex) suite à la dévaluation inattendue mais modeste du yuan chinois.

Pourquoi y-a-t-il eu des secousses cet été sur le marché des changes ?

Comme fréquemment pendant les mois d’été, on a connu des mouvements de panique, tant sur les matières premières que sur les actions, avec deux « mini-krachs » boursiers, et surtout sur les devises, celles des pays émergents particulièrement. Le catalyseur a été l’interprétation défavorable donnée à la dévaluation inattendue mais modeste de 3,3% sur trois jours du yuan chinois face au dollar à partir du 11 août.

Les inquiétudes se sont ainsi déplacées du risque de rupture définitive entre la Grèce et ses créanciers (Grexit), avant l’accord du 13 juillet, vers celui, en août, d’un ralentissement beaucoup plus sévère que prévu de la croissance chinoise, deuxième économie de la planète (15% du PIB mondial, 11% du commerce mondial).

S’y ajoute simultanément l’interrogation sur le moment, le rythme et l’ampleur du processus de normalisation monétaire américaine, après plus de 6 années de taux « zéro ». Le désordre observé est finalement assez important :

  • recul brutal des prix du pétrole en deçà de la barre des 50 dollars par baril pour le Brent, dû surtout à un excès d’offre physique d’or noir ;
  • forte rechute contre le dollar, l’euro et le yen, des monnaies, notamment émergentes, dont les pays sont producteurs de matières premières ou dont les pays, qui sont situés en Asie, luttent contre la tendance à la dépréciation du yen, en dépit de leurs excédents courants ;
  • interruption de la tendance à la baisse de l’euro face au dollar, du fait de l’anticipation d’un report à décembre de la remontée à 0,50% du taux des fonds fédéraux américains, et appréciation depuis deux mois de la monnaie unique face au yuan chinois (7 %), et face à plusieurs monnaies asiatiques et d’Amérique-Latine (15 %) et au rouble russe (29%) ;

Comment le spectre d’un atterrissage brutal chinois s’explique-t-il ?

La dévaluation du yuan, la poursuite de l’effondrement boursier de Shanghai et la chute en août à 47,3 de l’indice PMI manufacturier (publié par Caixin), au plus bas depuis 6 ans, ont nourri des doutes sur l’efficacité de la gestion économique des autorités chinoises. On s’interroge donc sur l’ampleur du ralentissement chinois, dans un contexte de statistiques économiques peu fiables et de risques financiers structurels, où la dette des entreprises est très élevée.

Ce décrochage vient d’une part, de l’érosion de la compétitivité, avec la hausse des coûts salariaux et la difficulté à faire monter en gamme la production, et d’autre part, de la fin progressive du surinvestissement, avec la chute du rendement du capital et l’inversion des flux de capitaux. La volonté de changer de modèle de croissance, pour le rendre moins mercantiliste et plus équilibré, en favorisant le développement de la demande intérieure, ne produit pas encore de sursaut de la consommation, capable de compenser la décélération de l’investissement et des exportations. Il est inévitable qu’une telle transition conduise à des à-coups coûteux, voire à une crise, tout en provoquant une baisse structurelle du rythme d’activité.

La Chine est-elle en train de se lancer dans une « guerre des changes » ?

La question est en effet de savoir si la Chine, à l’instar des Etats-Unis, du Japon puis de la zone euro, dont les grandes banques centrales pratiquent des politiques monétaires ultra-expansionnistes, se lance à son tour dans une expérimentation agressive de stratégies non coopératives de dévaluations compétitives. La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît, dans la mesure où la modeste dévaluation du yuan vient corriger en partie la forte appréciation de son taux de change effectif réel (environ 15% depuis un an), accentuée par la tendance à la hausse des coûts salariaux.

De plus, l’accélération des sorties nettes de capitaux depuis le début 2015 et le décrochage avéré de la croissance justifient d’autant plus les pressions à la baisse sur la monnaie chinoise que l’excédent commercial (590 Md$/an en août) s’explique davantage par la contraction des importations depuis 10 mois d’affilée.

Enfin, les autorités chinoises ont des marges de manœuvre plus efficaces que la relance artificielle des exportations pour contrer ce net affaiblissement conjoncturel, une fois passé l’impact des explosions toxiques survenues à Tianjin, troisième port du pays : baisse récente du taux de réserve obligatoire des banques et du taux directeur de la Banque centrale, relance budgétaire, réformes structurelles en vue de stimuler la montée en gamme des entreprises…

C’est donc probablement plutôt une simple étape de libéralisation internationale du yuan, visant à rompre le lien fixe (peg) avec le dollar. Il s’agit de rendre la monnaie chinoise plus flexible par l’ajustement du taux pivot au cours du marché, afin qu’elle soit progressivement davantage utilisée dans les transactions commerciales de préférence au dollar.

L’objectif est aussi d’intégrer symboliquement le yuan à la nouvelle composition des unités de compte (le DTS), processus que le FMI a reporté jusqu’à septembre 2016, au lieu de décembre 2015, juste avant la dévaluation. Il n’est donc pas impossible que la baisse du yuan ne dépasse pas 10% face au dollar d’ici 1 an, en raison des avantages inhérents à la stabilité financière et de l’importance des réserves de change de l’Empire du Milieu.

Eric Buffandeau

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