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L’euro dollar à 1,05 fin 2015

L’euro dollar à 1,05 fin 2015




Eric Buffandeau, Directeur adjoint Direction Veille, Etudes & prospectives du Groupe BPCE nous livre ses anticipations sur le marché des devises pour le second semestre 2015.

Forex : quelles évolutions pour l’euro, le dollar et le yen d’ici la fin de l’année

Que pensez-vous des évolutions récentes de l’euro et du yen face au dollar ?

Depuis mai 2014, la grille des changes des principales monnaies directrices a été complètement bouleversée. L’euro, qui se situe autour de 1,127 dollar au 17 juin 2015, est passé de près de 1,40 dollar le 8 mai 2014 à moins de 1,06 dollar le 16 mars 2015, chutant de plus de 20 % sur la période, soit un recul de 15 % en change effectif nominal. Il apparaît désormais sous-évalué en parité de pouvoir d’achat (PPA) : celle-ci est en effet estimée à 1,31 dollar pour un euro selon le FMI.

Quant à la monnaie japonaise, à 124 yens pour 1 dollar le 17 juin, elle a également diminué de près 20 %, passant de 102 yens au deuxième trimestre 2014 à environ 120 yens de janvier à mai 2015. En change effectif nominal, le yen a même reculé de plus de 32 % depuis fin 2012. Comme la PPA se situe autour de 100 yens pour un dollar, la compétitivité japonaise se trouve ainsi mécaniquement améliorée, aussi bien contre le dollar que contre l’euro, ce dernier étant actuellement proche de 140 yens. Il en est de même vis-à-vis des devises des pays émergents d’Asie. A contrario, depuis juin 2014, le dollar s’est apprécié d’environ 15 % en change effectif nominal, ce qui a expliqué en partie la contre-performance de l’économie américaine du premier trimestre 2015, le PIB s’étant contracté de 0,7% l’an.

Depuis une certaine volatilité s’est installée sur la paire de devises euro dollar -, la monnaie unique ayant d’ailleurs cessé de se déprécier, contrairement au yen -, renforcée et principalement guidée par celle des taux longs, face au retournement récent des marchés obligataires de part et d’autre de l’Atlantique.

Ces bouleversements de la grille des changes des principales monnaies directrices n’ont-ils pas une explication plus générale ?

Plus fondamentalement, ce grand bouleversement de la grille des change provient de l’expérimentation agressive, d’inspiration typiquement keynésienne, de stratégies non coopératives de dévaluations compétitives par les deux grandes zones économiques que sont la zone euro et le Japon. Leurs banques centrales veulent éviter à tout prix l’émergence d’un processus déflationniste, en provoquant implicitement une forte dépréciation de leurs devises, par des politiques monétaires quantitatives ultra-expansionnistes.

La dépréciation de l’euro et du yen était donc attendue, même si son ampleur a pu surprendre. Elle s’explique donc par des politiques monétaires désormais plus clairement divergentes de part et d’autres de l’Atlantique.
Ainsi, la Réserve fédérale Américaine a progressivement mis fin en novembre 2014 à six années d’assouplissement quantitatif, sans provoquer de tensions, ni sur les taux longs, ni sur les devises des pays émergents. Elle s’apprête désormais à durcir prudemment sa politique monétaire, probablement dès septembre 2015. A l’inverse, la BCE s’est engagée dans une politique de gonflement considérable de la taille de son bilan à partir de mars dernier, afin de respecter son mandat d’un objectif d’inflation proche de 2%. Son bilan atteindrait 3340 Md€ en septembre 2016, soit près de 33% du PIB de la zone euro, contre 20% avant mars 2015. Elle a aussi largement réduit à zéro le coût de sa liquidité en monnaie centrale, en introduisant même pour la première fois un taux négatif sur les dépôts des banques commerciales. Elle vise ainsi à redynamiser la distribution de crédits, moteur de toute expansion, et à accentuer implicitement la dépréciation de l’euro, mécanique de redynamisation des exportations et surtout de relance de l’inflation.

De son côté, également pour lutter contre un risque déflationniste lancinant, la Banque du Japon (BOJ) a volontairement accentué le recul du yen, en intensifiant sa politique d’achats d’actifs en 2015. Cette stratégie non coopérative, couplée à une politique budgétaire ultra-expansionniste, a largement désorganisé la grille des changes, notamment en Asie, où les autorités monétaires de pays comme Singapour ou Taiwan, pays bénéficiant pourtant d’excédents extérieurs récurrents et très importants, ont cherché à contrarier l’appréciation de leur devise contre le yen. La base monétaire japonaise a ainsi été portée de  25% du PIB environ à l’arrivée au pouvoir d’Abe à 55% à la fin de 2014. L’annonce de l’étendre à 73% du PIB en fin 2015 a mécaniquement renforcé la dépréciation du yen, conduisant à une réévaluation du dollar de plus de 50 % par rapport à la monnaie nipponne depuis l’automne 2012 : le dollar valait alors 80 yens à cette époque !

L’euro peut-il passer sous 1 dollar et le yen encore se déprécier ?

A court terme, il n’est pas impossible que l’euro puisse temporairement retrouver la parité avec le dollar, en raison de l’accentuation de la désynchronisation des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique. C’est surtout l’ampleur du rythme de resserrement de la politique monétaire américaine qui guidera l’évolution de la parité euro-dollar au second semestre 2015 en renforçant le dollar, puisque la stratégie de la BCE, désormais largement connue et analysée, n’évoluerait pas dans cet intervalle de temps. De plus, le spectre récurrent de sortie de la Grèce de la monnaie unique pourrait redevenir une source supplémentaire de pression à la baisse sur l’euro (retrait des investisseurs étrangers), car la réalisation de ce risque introduirait un précédent potentiellement contagieux, faisant de la devise européenne une simple union de taux fixes de change. Pour autant, il existe une force structurelle de rappel : l’augmentation de l’excédent commercial et courant européen, face à l’absence de réduction du déficit commercial et courant américain, devrait limiter ou interrompre la dépréciation de l’euro.

Plus précisément, le changement d’orientation de la politique monétaire américaine permettrait aux écarts de taux courts de redevenir progressivement le facteur traditionnel et prépondérant d’explication d’évolution du change à brève échéance. L’euro pourrait donc connaître un excès de faiblesse à 1,05 dollar à fin 2015 avant de se réapprécier du fait de sa sous-évaluation en termes de parité de pouvoir d’achat et de l’amélioration conjoncturelle en Europe.

Quant au yen, il pourrait encore faiblir un peu face au dollar (qui pourrait atteindre 127 yens fin 2015), en raison de la poursuite du gonflement de la base monétaire japonaise. Mécaniquement, le yen se réapprécierait face à l’euro, à 133,35 yens contre près de 140 yens actuellement.

Eric Buffandeau

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